Le Code de conduite de La Haye : quelle transparence pour les biens à double usage ?
Fondation pour la Recherche Stratégique
DEFENSE&Industries n°15
The regulation of dual-use goods is a major issue in the area of non-proliferation. As such, the Nuclear Non-Proliferation Treaty (NPT), for example, takes a keen interest in the control of nuclear technologies used in civilian industry. The International Atomic Energy Agency (IAEA) is notably responsible for ensuring that programs declared as civilian do not use materials and infrastructure for military purposes through a system of declarations and inspections.
In the area of vectors, international efforts to combat missile proliferation are structured primarily through the Missile Technology Control Regime (MTCR). Logically, the text identifies purely military technologies but also dual-use goods and technologies, for which the MTCR partners are required to specifically examine the end use of exported products. In this context, the restrictions and the lists of equipment, software and technologies of the MTCR which require a specific export license are well known to actors who work in the military field but also who produce goods for civilian purposes, in particular for the space domain. A similar approach is followed by the Hague Code of Conduct Against Ballistic Proliferation, which calls on states that subscribe to it to exercise “due vigilance when considering assisting any other country in carrying out launcher programs. space, in order to avoid contributing to delivery systems for weapons of mass destruction, these programs being able to be used to conceal ballistic missile programs ”.
APRIL 2021
Emmanuelle Maitre
INTRODUCTION
“Dès sa création, il prend non seulement en compte les missiles balistiques – alors principaux vecteurs d’ADM – mais également les lanceurs spatiaux”
La régulation des biens à double usage est un enjeu majeur en matière de non-prolifération. A ce titre, le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP), par exemple, s’intéresse de près au contrôle des technologies nucléaires utilisées dans l’industrie civile. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est notamment chargée de s’assurer que les programmes déclarés comme civils n’utilisent pas les matières et les infrastructures pour des usages militaires grâce à un système de déclarations et d’inspections.
Dans le domaine des vecteurs, les efforts internationaux de lutte contre la prolifération des missiles se structurent principalement par l’intermédiaire du Régime de contrôle des technologies de missiles (MTCR). Logiquement, le texte identifie des technologies purement militaires mais également des biens et technologies à double usage, pour lesquels les partenaires du MTCR sont requis d’examiner spécifiquement l’usage final des produits exportés. Dans ce cadre, les restrictions et les listes d’équipements, logiciels et technologies du MTCR qui requièrent une licence d’exportation spécifique sont bien connues des acteurs qui travaillent dans le domaine militaire mais également qui produisent des biens à vocation civile, en particulier pour le domaine spatial. Une approche similaire est suivie par le Code de conduite de La Haye contre la prolifération balistique, qui invite les Etats qui y souscrivent à faire preuve « de la vigilance voulue lorsqu’il est envisagé d’aider tout autre pays à exécuter des programmes de lanceurs spatiaux, afin d’éviter de contribuer à des systèmes de vecteurs d’armes de destruction massive, ces programmes pouvant servir à dissimuler des programmes de missiles balistiques ».
Le Code de Conduite de La Haye
Le Code de Conduite de La Haye (HCoC) a été adopté en 2002 dans l’optique de réduire la prolifération des missiles balistiques pouvant être utilisés pour emporter des armes de destruction massive (ADM). Dès sa création, il prend non seulement en compte les missiles balistiques – alors principaux vecteurs d’ADM – mais également les lanceurs spatiaux, les deux technologies partageant de nombreuses caractéristiques. De nature juridiquement non-contraignant, il compte aujourd’hui 143 Etats signataires qui s’engagent à des objectifs politiques, à savoir faire preuve de retenue dans le développement des systèmes balistiques, montrer de la vigilance dans les exportations de technologies de lanceurs spatiaux et refuser systématiquement l’exportation de missiles balistiques pouvant servir à emporter des ADM. Par ailleurs, les membres du Code s’engagent à mettre en oeuvre des mesures de transparence et de confiance. En particulier, ils sont invités à déclarer chaque année aux autres Etats signataires les grandes lignes de leur politique en matière de missiles balistique et de lanceurs spatiaux (en fournissant des informations sur les systèmes déployés et tirés au cours de l’année écoulée). Ils doivent aussi partager des notifications des lancements et vols d’essai de missiles balistiques et de lanceurs spatiaux en amont de chaque tir. Cette mesure est importante pour éviter les confusions et problèmes d’interprétation pouvant naître suite aux tirs d’essais. Elle rappelle les mécanismes bilatéraux similaires ayant existé au cours de la guerre froide entre les Etats-Unis et l’Union soviétique et qui subsistent encore aujourd’hui entre l’Inde et le Pakistan, d’une part, et entre la Russie et la Chine, d’autre part. Encore une fois, ces dispositions visent principalement à réduire la crainte d’une attaque balistique surprise en accroissant la transparence sur les programmes et les développements. Enfin, les Etats peuvent mettre en oeuvre des mesures volontaires supplémentaires, comme ouvrir à la visite leurs installations de tirs de lanceurs spatiaux. […]